Dérive de la responsabilité des architectes

par Jean-François Espagno il y a 10 ans
18 réponses à ce sujet
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Publié : il y a 10 ans
Bonjour, j'avais co-écrit un petit LIVRE BLANC sur la dérive de la responsabilité des architectes. Le voici :
https://www.dropbox.com/s/chv67vtgk2vc40i/LIVRE_BLANC-D%C3%A9rive%20Resp.%20Architectes-2012.pdf
Qu'en pensez-vous ?
Publié : il y a 10 ans
Bonsoir,

Je viens de télécharger votre "livre blanc".
Puis-je vous demander si votre initiative est personnelle, c'est à dire diligentée exclusivement par les membres de votre Cabinet, ou si au contraire, votre aussureur vous aurait suivi ou accompagné dans cette démarche ?

Votre écrit suscite en moi un certain nombre de réactions, certaines, épidermiques, d'autres, philosophiques. Tant et si bien que ma lecture, bien qu'elle fût entreprise comme pour toute autre lecture, sans aucun a priori ou préjugé, a été malmenée dans sa progression.

La "CCRD" et la RT2012 ont dû vous affecter plus profondément encore, que la Loi Spinetta.

A titre liminaire, il convient de rappeler que si la loi Spinetta EXISTE c'est que "les professionnels de la profession" semblaient disposés avant elle, à ...Disposer librement des deniers de leurs clients sans leur livrer de toit pour autant et bien que ces braves maîtres de l'ouvrage, ne "maîtrisaient" quant à eux pas grand-chose !

Vous indiquez q'un architecte ne peut pas tout savoir. Pensez-vous qu'un maître de l'ouvrage dont la seule qualité en construction, est de souhaiter abriter sa famille autrement qu'en payant un loyer à vide, SACHE quant à lui quoi que ce soit ? Déposer un permis, suivre les travaux... Toutes ces choses pour lesquelles les contrats d'architecte disponibles même sur internet, vous désignent comme LA PERSONNE COMPETENTE.
Vous êtes pour ces gens, des personnes de confiance, ils placent en vous tant d'espoirs !

Votre livre blanc aurait de quoi les affecter dans ce qu'ils ont de plus cher. Leur confiance.

Je songe également à toutes les entreprises, qui se réfèrent à l'architecte de l'opération, ou au groupement d'architectes de l'opération, avec allégeance et espérant obtenir LA réponse à leur interrogation technique, pensant que l'architecte en raison de son expérience de tel type de chantier, aura nécessairement déjà eu à faire à pareille hypothèse. Se trompent-ils eux aussi de personne de confiance ?

Vous allez en faire, des déçus.

Je tenais encore à faire respectueusement observer à votre cabinet d'architectes, que la responsabilité des constructeurs s'est tout de même affaiblie, du fait des lois relatives à la prescription, notamment. Et qu'enfin, même si elle existe, la responsabilité des architectes est si peu obtenue à 100% au final, qu'elle est comme le poisson volant comparé à tous les autres membres de l'espèce...Un cas rare.

En cas de sinistre de nature décennale (je vous fais grâce du texte)..../... La responsabilité des participants à l'acte de construire - et c'est bien ce que sont les architectes, des participants à l'acte de construire - est PRESUMEE, libre à celui contre lequel elle est invoquée de s'en défendre. Vous et votre assureur compris.
C'est le cas de TOUS LES PARTICIPANTS à l'acte de construire, de l'architecte aux sous-traitants de rang N, chacun avec son assureur... (dans le meilleur des cas, certes)

Votre écrit, empreint de courroux, pourrait laisser croire à quiconque ne connaît pas les arcanes de la construction, que seuls les architectes en prennent judiciairement "plein la poire". Or ceci est radicalement faux, et lorsque des expertises au titre de la responsabilité (RCD) en arrivent malheureusement aux affrontements judiciaires, les condamnations prononcées contre les architectes ET leurs assureurs, dépassent rarement les 10-15% du coût total des réparations...

Si l'architecte est condamné au visa des bons articles du code, son assureur le couvre, sauf la franchise. Une franchise sur un montant de condamnation déjà moindre que celui des autres intervenants, cela fait du sinistre "à pas cher"...

Or il se peut bien que l'assureur se défende de devoir prendre en charge un sinistre. Mais dans ce cas ce n'est pas de la Loi SPINETTA dont il est question et encore moins de la définition du rôle de l'architecte ! C'est de l'engouement pour l'assureur à faire disparaître un alea dont il est question.

Ai-je déjà évoqué cette douce subtilité de la liste des experts judiciaires par profession, établie pour chaque cour d'appel ? Parmi ces experts judiciares se trouvent de nombreux architectes. Il arrive fréquemment que les juges judiciaires entérinent totalement, et par confiance, les rapports des experts judiciaires, or, vous, pairs des experts, vous écrivez que ce seraient les juges qui se feraient seuls dans leur coin, une mauvaise opinion de votre profession ?
Si ce sont les opinions des experts judiciaires transmises aux juges qui vous ennuient dans certaines affaires, alors, il est du devoir (de conseil, pour le coup !) de votre avocat, ou de celui de votre assureur, d'envisager ce qui, procéduralement, vous permettrait d'obtenir la désignation d'un nouvel expert dans telle affaire...

Pour entrer tout à fait dans le sujet des sinistres et des poursuites judiciaires, choses qui sont de prime abord assez éloignées, il faut considérer l'ensemble des constructions neuves ou réhabilitées (A) sur une année N, et rapportées au nombre de déclarations de sinistres (DS) effectuées par les maîtres d'ouvrages ou leurs représentants auprès de l'assureur dommage-ouvrage.

Nous admettrons que sur XXXX de A en N, il y aura eu 100 DS, en N+2 :
- une trentaine (entre 1 et 30) seront classées sans suite : PV de carence, réclamation non fondée, dommage non couvert découvert par l'expert ou son équipe avant la première réunion d'expertise... (CSS) - Pas de sinistre, pas de recherche de responsabilité.
- une cinquantaine maximum feront l'objet d'une réparation forfaitaire (TM) après première réunion. Pas de recherche de responsabilté dans ces cas là comme vous le savez. Ce qui vaut pour les entrepreneurs vaut pour vous.

Calcul intermédiaire, même s'il s'agit d'approximations.
100 DS - 30 CSS - 50 TM = approx. 20 ... 20 QUOI ?
20 sinistres seulement, qui feront l'objet d'une prise en charge approfondie, pouvant aller jusqu'à la tant redoutée "judiciaire" [si l'avis de l'expert DO n'est pas apprécié par les avocats de la copropriété...]

Sur ces 20 cas, les architectes ne seront pas conviés à toutes les expertises, et donc ne seront pas recherchés en responsabilité.
Même s'il y a plus de vingt cas qui correspondent véritablement à la responsabilité des constructeurs, sur nos cent cas de base, nos DS, eh bien l'architecte de première part, ne sera pas recherché systématiquement (même l'application pratique de la loi Spinetta prévoit la mise hors de cause de l'architecte dans certains sinistres !!! ) et de seconde part, même s'il est recherché, ce ne sera jamais ou alors très rarement, à concurrence de 100% du sinistre allégué ! Ou alors, faudrait-il qu'il y soit allé... "très fort".

Sur 20 DS, donc, certaines seront réglées sans appel financier à l'architecte supérieur à 10% du sinistre, d'autres avec une prise en charge de 15 à 20 % du sinistre par le pool BE/ARCHI/Tech.
Il en restera donc quelques-unes, de une à sept disons, qui pourraient faire l'objet d'un contentieux sévère avec mise en cause, toujours partielle, de l'architecte.

Et bien sûr, dans tous ces cas, rares seront ceux diligentés par notre maître de l'ouvrage qui voulait juste son pavillon avec son jardin et son garage.
La majeure partie des mises en cause judiciaire sont le fait des copropriétés et de leurs représentants... Vous savez, ces gens charmants qui ont des honoraires tarifés validés par une assemblée générale...
Cette fois non plus la Loi Spinetta n'y est pour rien. C'est à l'intermédiaire entre le copropriétaire et l'architecte qu'il faut s'en prendre.

En toute hypothèse je saisis votre angoisse de payer une assurance (faites jouer la concurrence !) , et de ne pas apprécier la mise en cause judiciaire de votre exploitation (personne n'apprécie - ne vous privez jamais de votre propre avocat). Cependant le parti-pris de revoir la Loi Spinetta me paraît hors de proportion. Tout comme celui de ne plus vouloir assumer aucun rôle au-delà de l'APS ou de l'APD.

Toutefois votre document semble établi sur la base d'un ressenti ou d'un parti-pris.
C'est pour cette raison que j'ai écrit ce commentaire d'une traite.
Publié : il y a 9 ans
Bonjour, merci de votre message (que je ne lis que maintenant). Ce petit LIVRE BLANC n’est l’initiative que de ses seuls 3 auteurs, « architectes pratiquants ». Notre assureur n’a rien à y voir, il a d’ailleurs manifesté un avis défavorable lors de sa parution.
Le problème n’est pas du tout de gruger de « braves gens », comme vous dites, mais bien de mettre le vrai responsable en face de chaque dommage subi. Le client pourra toujours lui demander réparation. Et non pas un professionnel, toujours le même, sous prétexte qu’il porte un titre d’architecte et qu’il est bien assuré. Je suppose que vous avez compris ce point de vue. Trouveriez-vous normal, par exemple, que le médecin traitant soit jugé responsable d’une faute du pharmacien qui se serait trompé de flacon ou du radiologue qui aurait mal réglé ses appareils ? Non, bien sûr. Et pourtant, ces brave gens avaient fait une confiance aveugle à leur médecin traitant, qui soigne leur famille depuis des générations, etc. Eh bien, vous l’avez compris, c’est exactement la même chose pour les architectes.
Cela ne correspond à aucune vérité de dire que l’architecte est le seul compétent, plus compétent en menuiserie que le menuisier, plus compétant en peinture que le peintre. C’est faux, bien entendu, le LIVRE BLANC explique et détaille pourquoi, et c’est faux quand on connaît de l’intérieur le fonctionnement d’une construction. C’est aussi méprisant pour ces différents professionnels de dire qu’ils sont moins compétents sous prétexte qu’ils ont un travail en partie manuel.
Vous dites, si j’ai compris, qu’après tout, l’architecte n’a pas à se plaindre puisqu’il est bien assuré. Je ne connais pas votre métier, mais je suis certains que vous-même, vous refuseriez d’endosser les responsabilités d’autres professionnels sous prétexte que vous avez travaillé pour un même objet, chacun dans son domaine. Assumez-vous systématiquement les fautes professionnelles de ceux qui ont suivi vos formations, sous prétexte que vous les auriez incomplètement formés ? Non, bien sûr.
Enfin, ce LIVRE BLANC voudrait que l’on arrête de considérer un architecte comme un constructeur, au sens juridique du terme, ce qu’il n’est pas. Le Conseil d’Etat belge vient de trancher nettement sur l’indépendance indispensable des architectes dans leur mission de maîtrise d’œuvre, et notamment vis-à-vis des entreprises. Et cela induit que les architectes ne peuvent donc pas être assimilés à des constructeurs ! et donc qu’ils n’ont pas à être condamnés pour des fautes des entreprises car ils seraient alors enclins à ne pas les révéler (puisque ça pourrait « leur retomber dessus », si je puis dire) : "En effet, au cas où l'entrepreneur manquerait à ses devoirs, l'obligation incomberait à l'architecte soit de passer à l'exécution des engagements de l'entrepreneur, soit de payer des dommages-intérêts compensatoires, le devoir de contrôle de l'architecte relatif à l'exécution des travaux par l'entrepreneur serait de ce fait fondamentalement grevé par la connaissance par l'architecte du fait que, s'il venait à constater une mauvaise exécution de l'entrepreneur, il pourrait être tenu responsable de cette mauvaise exécution, sans qu'il n'ait commis la moindre erreur. Ceci porte sérieusement atteinte à l'indépendance de l'architecte, qui, en effet, travaille en principe sur l'ordre du maître d'ouvrage en non de l'entrepreneur. » Un architecte est une profession libérale, il doit donc être indépendant des entreprises, comme un médecin est indépendant des laboratoires pharmaceutiques, s’il veut être un bon médecin, objectif. C’est l’existence même des architectes qui est en jeu ; s’ils sont condamnés pour des fautes des entreprises, ils ne sont plus indépendants, ils sont « dans le camp » des entreprises, contre les clients : ils ne peuvent plus conseiller leurs clients.
Enfin, contrairement à ce que vous écrivez, les architectes ne refusent pas d’assumer aucun rôle, c’est un excès d’appréciation qui déforme notre propos. Les architectes revendiquent d’assumer leur responsabilité, tout leur responsabilité, rien que leur seule responsabilité.
Publié : il y a 9 ans
Parfois de gros problèmes de suivi de chantier et de conception en ne prenant pas en compte les règles élémentaires avant la réalisation des plans et le démarrage des travaux. En effet que dire de la responsabilité de l'architecte qui ne demande pas au maître d'ouvrage les limites du terrain avec le plan d'arpentage réalisé par un géomètre et une étude de sol afin de vérifier la nature du sol notamment en zones sismiques.
J'ai un chantier proche de chez moi et je constate que l'architecte n'était pas présent au moment crucial lors de la démolition. L'entreprise n'ayant pas respecté les plans de l'architecte afin de conserver certains murs. En effet, l'entreprise a démolie tous les murs et le projet a été arrêté depuis novembre 2014.
Le problème posé pour le client est qu'il n'est plus dans le cas d'une rénovation avec extension de Plus de 30% mais dans un projet neuf , ce qui a conduit à une annulation du permis de construire et un dépôt d'un autre permis de construire, ce qui, a pour conséquence un retard de livraison de la construction et la question se pose sur la responsabilité de l'architecte et elle ait, il me semble engagé.
QUEL EST VOTRE AVIS,
Merci
Publié : il y a 9 ans
A la lecture du cas particulier relaté dans votre dernier message, je ne peux que vous renvoyer à tout ce que je disais, Livre Blanc et message d'il y a 10 mois : l'architectes N'est PAS un chef de chantier, il N'est PAS entreprise générale. Il n'est pas non plus le mandataire du maître d'ouvrage. Dans une opération de construction, chacun doit y tenir son rôle. Dire que l'architecte est "responsable de tout" et surtout de "toutes les fautes des autres" est une dérive inacceptable. Dire que l'architecte "n'avait qu'à" tout voir, tout savoir, tout prédire, tout deviner, se substituer à tout le monde, qu'il a un don d'ubiquité (pour être toujours là où il faut, à tout moment) et qu'il a une baguette magique ("devoir de conseil" et, hop !, le tour est joué ! ce sera pour "la pomme" de l'architecte), est une aberration et une agression inacceptable envers notre profession .
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